De l’utilité de la pochette à livre

Mon précieux, by Chachipote

Un petit billet futile: je viens vous parler de mon étrange addiction pour les pochettes à livres. Les pochettes à quoi ? « Mais ça sert à rien ! », me direz-vous.

Que nenni ! Quelle lectrice un tantinet maniaque n’a pas été désespérée (si, si) de constater qu’à force de le trimballer dans son sac, son livre du moment est tout abîmé, les coins cornés, la jaquette tordue, des miettes de biscuit pour enfant coincées entre ses pages ?

Or, « Jamais sans un livre dans mon sac », est mon credo. Et bien, j’ai la solution pour toi : la pochette à livre, l’étui, le booksleeve (en anglais, tout de suite, ça en jette plus). Un accessoire qui fait fureur chez les book addicts (dont je fais donc partie).

Il y a plusieurs modèles possibles : un couvre-livre, qui recouvre donc ta jaquette (noooon ?) et qui te permet de lire ton bouquin à l’eau de rose dans les transports d’un air concentré, comme si le tissu cachait un manuel de physique quantique (et cela te donne même une touche de mystère !). Ces modèles sont ajustables à la taille du livre et ont souvent un élastique qui maintient le bazar bien en place, voir même un joli marque-page, comme ceux de CreationsColibri

CréationsColibri, sur Etsy

Une pochette à livre : attention, nuance ! La pochette te permet de ranger ton bouquin à l’abri mais tu le sors tel quel pour le lire (pas de mystère dans les transports donc). J’avoue que j’aime bien cette solution car j’apprécie de voir la couverture du roman que je lis (je ne suis pas une fille mystérieuse, bah.).

Les Créations de Justine, sur Etsy

Il y a plein de marques qui proposent ce concept, notamment Saguita, qu’on peut trouver dans certaines librairies, ou la petite nouvelle My Boo-Kase (qui, elle, innovation, propose un modèle zippé, sympa mais un peu plus cher).

Tu pourras passer des heures entières à en chiner de toutes les sortes et de toutes les couleurs (mention spéciale à Escale en bord de page), ne me remercie pas. Sur Etsy, c’est foufou, il y en a pour tous les goûts : du Liberty, du Harry Potter, du Outlander lover, du Vichy, des animaux, TOUT te dis-je.

Mes coups de coeur vont à deux créatrices super sympas : Les Créations de Justine, qui propose des étuis à livres rembourrés et tout moelleux, et ma compatriote Chachipote, adorable et talentueuse, qui se coupe en quatre pour te faire plaisir !

Chez Chachipote, Etsy toujours

Bien sûr, si tu n’as pas deux mains gauches comme moi, tu peux aussi tenter de créer ta propre pochette, le net regorge de tutos ici et .

Un objet goodies pour les booklovers, pour parler pro (ah ah), aussi joli qu’utile ! Bon, pas indispensable pour ceux qui s’en foutent que le livre soit corné ou abîmé (les monstres !), mais un chouette cadeau à faire aux autres !

Me voilà donc avec une addiction en plus (parce que les sacs à main, les livres et les foulards, ça ne suffisait pas !) … On est pas sortis de l’auberge.

Billet absolument pas sponsorisé, juste l’envie de partager !

« L’affaire Arnolfini », Jean-Philippe Postel

Ce tableau, je me souviens l’avoir étudié en classe. Il m’a toujours fascinée. Les petits détails cachés, la signification des gestes, les codes.

Et voilà qu’un drôle de petit livre sous-titré « roman d’investigation » prétend résoudre « l’affaire ». Ma curiosité était piquée. Je l’ai donc dévoré en quelques heures. Abondamment illustré d’agrandissements de certaines parties du tableau, le livre détaille les secrets du chef-d’œuvre de Van Eyck, nous emmenant bien plus loin qu’une simple observation attentive.

Regardons-le une dernière fois avec les yeux de l’innocence avant que sa sombre vérité ne se fasse jour.

La « sombre vérité », d’après l’auteur, est que ce tableau est loin de représenter un couple de flamands aisés du Moyen-Age. Les Arnolfini – mais est-ce vraiment eux ?- cachent bien des choses. A lire équipé d’une loupe, prérarez-vous à faire d’incessants allers-retours entre le texte et la couverture du livre !

Une seule bougie allumée, tiens, pourquoi ?

Je me souviens avoir étudié que le tableau représentait un couple riche, et que la femme était enceinte. C’est bien peu … Chaque détail du décor sera ici décrypté, que dis-je, décodé. Jusqu’au pantoufles (si, si), qui ne sont pas là par hasard. Et ce petit chien de mémère ! Il a un bien grand rôle (je ne vous dirai pas lequel, ça c’est du suspense, n’est-ce pas ?).

Je me souviens aussi avoir trouvé fascinant le détail du reflet dans le miroir, aux personnages cachés :

Mais à qui parlent-ils ??

Si j’ai apprécié cette enquête artistique et littéraire captivante, j’ai trouvé certaines parties un peu trop tirées par les cheveux. Mais qui suis-je pour remettre en questions les dires de l’auteur ? Tout n’est qu’interprétation, et la beauté – et l’intérêt – d’une œuvre d’art est que chacun en retire ce qu’il veut …

Alors, roman d’investigation, étude artistique, jeu de piste, énigme, essai, choisissez. Un OVNI, en tout cas, très très intéressant à lire !

« L’affaire Arnolfini », Jean-Philippe Postel, Actes Sud, 2016, 155 p.

« Toucher la terre ferme », Julia Kerninon

Julia Kerninon est une magicienne. Ou une sorcière. En 112 pages lues à la vitesse de l’éclair, elle m’a retourné le coeur, donné envie de relire son livre armée d’un crayon pour souligner à peu près tout, et m’a fait sentir que j’avais raté ma jeunesse en étant beaucoup trop sage.

C’est un récit sans fard, terriblement impudique, où elle se raconte femme puis mère. Elle nous dit ses accouchements, son sentiment de se perdre dans la maternité, son urgence d’écrire depuis toujours, et de lire, encore, partout, tout le temps. Elle nous parle des hommes de sa vie, des amours tumultueuses d’avant, des nuits de folie, du sexe, des excès. Puis la vie de famille, le bonheur simple et qu’elle peut appeler « amour » avec le père de ses enfants.

« Devenir mère, être femme » dit le bandeau rouge – et pour une fois qu’un bandeau ne ment pas, ne dit rien d’inutile, je l’ai laissé sur le livre, comme un sous-titre. L’objet-livre est magnifique, la couverture, l’illustration intérieure, le papier. J’aurais voulu qu’il fasse 200 pages de plus.

Je l’ai refermé bien décidée à le relire pour mieux l’intégrer, me l’approprier, souligner mille et une phrases. Julie Kerninon s’est livrée comme jamais, et ce récit nous permet de la retrouver dans ses romans, cachée dans ses héroïnes (je pense à « Liv Maria »).

Je jalouse son écriture brillante, je jalouse sa jeunesse et tout ce qu’elle a vécu, je jalouse son talent. Je me retrouve dans ses interrogations sur la maternité et ses questionnements intimes.

J’ai trente-quatre ans. Je suis cette personne qui essaie désespérément d’être une mère, d’être une femme, et qui ne cesse de revenir à sa propre enfance, comme on tape vainement du front dans le bois d’une porte qu’on nous a fermée au visage. Je lis en surveillant mes enfants dans le bain, je lis quand ils courent autour de moi le matin, je lis à table et ils font comme moi. C’est tout.

Un immense coup de coeur.

« Toucher la terre ferme », Julia Kerninon, L’Iconoclaste, 112p., 2022

« Les accords silencieux », Marie-Diane Meissirel

En 2022, ressuscitons ce blog ! Instagram a pris pas mal de place et a relégué les blogs aux oubliettes. En bon dinosaure, j’ai décidé de continuer à faire vivre cet espace, tout en publiant mes chroniques directement sur Insta également (mais TikTok ne m’aura pas !).

Première chronique de 2022, une lecture commune proposée par Les Escales !

La quatrième :

Autour d’un Steinway qui a traversé le XXe siècle, les destins de deux femmes que tout sépare se rencontrent, liés par un ancien secret et l’amour de la musique.
New-York, juin 1937, Tillie Schultz perpétue la tradition familiale et entre chez Steinway & Sons pour travailler auprès des « immortels », ces pianistes de légende comme Rachmaninov et Horowitz. Grande mélomane, son talent n’égale pas celui des maîtres qu’elle côtoie. Pour vivre sa passion, elle ne peut que se mettre au service de ceux qui possèdent le génie qu’elle n’a pas.
Hong Kong, septembre 2014. Xià, une étudiante chinoise, retrouve le plaisir de jouer grâce à Tillie Fù et à son Steinway. Elle s’autorise, pour la première fois depuis un examen raté, à poser ses doigts sur un clavier et interprète pour Tillie les airs que la vieille dame ne peut plus jouer. Si soixante-dix ans séparent les deux femmes, elles sont unies par une histoire commune insoupçonnée et par leur amour pour la musique qui projette sur leurs vies une lumineuse beauté.

Voici un roman alléchant en tous points : une grande fresque romanesque et historique, autour d’un piano et de la musique classique. C’était ma toute première lecture commune et le roman a mis 1000 ans à arriver chez moi, comme si la Belgique c’était l’Alaska. Je trépignais en lisant d’un oeil les commentaires de mes co-lectrices, et quand le Graal est tombé dans ma boîte aux lettres, je me suis plongée dans le roman.

J’en suis sortie un peu mitigée : si le journal de Tillie m’a passionnée, ainsi que tout ce qui a trait à la musique et au piano (et ça ne manque pas !), je suis un peu restée sur le bord de la route. Les personnages sont (trop ?) nombreux, les époques et les lieux changent souvent et j’avoue m’être un peu perdue. J’ai dû revenir en arrière plusieurs fois, et j’ai confondu parfois des personnages. Je reproche au roman de survoler beaucoup, beaucoup de choses, mais sans approfondir assez, et de multiplier les allers-retours dans le temps, au risque d’y perdre le lecteur. Je n’ai pas réussi à m’attacher assez aux personnages, et ça a frustré ma lecture. La toute fin et la révélation des liens entre eux m’a semblé un peu trop tiré par les cheveux …

Je retiens néanmoins l’aspect musical, très présent, passionnant, et qui donne envie de découvrir toutes les œuvres citées (une liste en fin de livre aurait été pertinente).

Une petite déception donc, pour ce roman qui n’a pas su m’emporter …

Je remercie les éditions Les Escales, pour cette lecture.

« Les accords silencieux », Marie-Diane Meissirel, Les Escales, 247 p., sorti le 06 janvier 2022

« Les choses humaines », Karine Tuil

C’était le pire moment de leur vie, ils le savaient. Ils n’iraient pas plus bas, ils touchaient le fond (…). Ils découvraient la différence entre l’épreuve et le drame : la première était supportable ; le second se produisait dans un fracas intérieur sans résolution possible – un chagrin durable et définitif.

Je n’avais jamais lu Karine Tuil, mais j’ai eu envie de lire « Les choses humaines » après avoir vu la bande-annonce du film tiré du roman, qui sort ces jours-ci. Toujours lire un livre AVANT d’en voir l’adaptation, un petit principe personnel …

Le roman se penche sur la déchéance d’une famille de pouvoir : Jean et Claire Farel sont des intellectuels respectés, connus du public. Jean est un présentateur télé, homme de radio, journaliste, 40 ans de carrière, des fans, une double vie soigneusement cachée. Claire, bien plus jeune que son mari, écrit des essais après un passage à la Maison Blanche. Le couple est sur le point de se fissurer : Claire a rencontré Adam.

Tout se brise autour d’eux quand Alexandre, leur fils étudiant à Standford, ingénieur, qui a tout pour réussir dans son existence privilégiée, est accusé de viol par Mila … la fille d’Adam.

Après un début un peu long de présentation des personnages, l’intrigue m’a complètement happée et j’ai tourné les pages fébrilement, jusqu’au verdict. Alternant les points de vue, le lecteur ne peut se faire son idée sur ce qu’il s’est véritablement passé, ce fameux soir. Les personnages sont hauts en couleur, pas forcément sympathiques, l’écriture est brillante et sèche, va droit au but.

Une grande partie du roman se déroule au tribunal : les plaidoiries des grands avocats, les témoignages et la tension, tout cela rend l’histoire absolument palpitante.

J’ai littéralement adoré, c’est un de ces livres qu’on a hâte de terminer pour en connaître la fin, mais dont en regrette de voir les pages diminuer et notre plaisir de lecture bientôt épuisé …

Le thème central est bien sûr la notion de consentement – tellement présente dans notre société, et la différence de perception entre hommes et femmes d’une même situation.

Horreur du viol, des vies ravagées, critique du monde du pouvoir, des médias, des réseaux sociaux, ce roman est magistral. Les personnages sont extrêmement bien décrits, comme celui de Claire, brillante féministe qui se répand en accusations sur les agresseurs sexuels à la radio un jour, puis apprend que son fils en fait peut-être partie le lendemain, et dont toutes les convictions sont ébranlées.

Un roman complexe, qui ne prend pas exactement position, qui nous laisse nous faire notre propre jugement des « choses humaines », de leur violence, de leurs conséquences …

Brillant !

« Les choses humaines », Karine Tuil, Gallimard (et en poche en Folio), 2019

« L’énigmatique Madame Dixon », un suspense efficace

C’était seulement en prenant possession de la vie de quelqu’un d’autre qu’elle réussissait enfin à rendre la sienne digne d’être vécue.

Un thriller dans le monde de l’édition, un auteur mystérieux se cachant derrière un pseudonyme, une assistante dévorée d’ambition … Tout est là pour passer un excellent moment de lecture. J’avais besoin d’une bonne histoire, d’un roman palpitant impossible à lâcher, et je n’ai pas été déçue.

Florence Darrow, une jeune femme sans histoires vient de se faire licencier par la maison d’édition qui l’employait. Isolée, amère, Florence rêve d’écrire et d’être publiée. Elle est alors contactée par l’auteur du best-seller du moment, Maud Dixon, qui cherche une assistante. Madame Dixon, dont personne ne connaît la véritable identité engage Florence pour taper son deuxième livre. Enchantée, celle-ci y voit un signe du destin et suit Maud Dixon au Maroc, pour des recherches en vue de l’écriture du roman. Mais là-bas, les deux jeunes femmes sont victimes d’un accident de voiture. A son réveil, plus rien n’est comme avant pour Florence …

« Jusqu’où iriez-vous pour vivre la vie dont vous rêvez ? ». Là est toute la question du livre, un roman au suspense machiavélique, qui lorgne sans se cacher vers le Ripley de Patricia Highsmith. La pauvre Florence, oie blanche au début de l’histoire, se jette dans la gueule du loup. Mais peut-être est-ce le loup qui s’est trompé de victime ? D’une écriture simple et efficace, sans prétention, Alexandra Andrews tisse sa toile et y englue le lecteur qui, captivé, ne peut que tourner les pages de ces (très courts) chapitres.

Une intrigue en mode page turner donc, pas forcément très originale, mais qui a le mérite de fournir un très bon moment de lecture détente. Le personnage de Maud Dixon fascine, celui de Florence est peut-être un peu moins crédible au fur et à mesure que l’intrigue se déroule.

Mais qu’importe ! J’ai adoré me laisser prendre au jeu de ce roman qui, sans être inoubliable, se déguste avec un plaisir fou, grâce à ses nombreux rebondissements.

« L’énigmatique Madame Dixon », Who is Maud Dixon ?, Alexandra Andrews, Les Escales, 2021, 409 p.

La maternité ou « L’œuvre d’une vie », selon Rachel Cusk

Dans cet essai qui date de 2001 mais qui vient seulement d’être traduit en français, Rachel Cusk examine à la loupe son vécu autour de sa grossesse et de la première année de sa fille. Avec une franchise et une honnêteté incroyables, sans aucun tabou, elle raconte ce bouleversement intime et ses retentissements à la fois sur son couple, sur son travail, sur le regard des autres, mais surtout sur elle-même.

« J’ai été bouleversée par la maternité. Mal préparée, ignorant tout des conséquences de l’arrivée d’un enfant, j’ai eu l’impression, fausse mais très nette, que le voyage qui m’avait menée jusque-là avait été à la fois aléatoire et régi par des forces qui me dépassaient, à tel point qu’il m’a semblé n’avoir jamais eu mon mot à dire. »

J’ai dévoré ce livre, très cru, très drôle mais d’un humour noir et si je me suis reconnue dans de nombreuses pages cornées, j’ai trouvé le portrait un poil trop sombre. Rachel Cusk passe au crible la grossesse, l’accouchement (dans la salle « de torture »), le corps médical pas toujours bienveillant, et passe ensuite au bébé et à tout ce qui va mal : les nuits sans sommeil, les cris, les coliques, l’allaitement difficile, et, surtout, la vie de la mère qui passe totalement au second plan – voire disparaît. La nouvelle mère, chez Rachel Cusk, s’évanouit dans la nature, s’évapore, n’existe plus que pour son enfant, à la fois parce que c’est devenu son rôle et le but de sa vie, et à la fois parce que son enfant-tyran ne lui laisse tout simplement pas deux secondes de répit.

Du jour au lendemain, ma fille a pris ma place comme objet principal de mes soins. Je suis devenue une tâche inachevée, un coup de fil que je ne parviens pas à passer, une facture que je ne trouve pas le temps de payer. Mon existence a l’aspect tumultueux d’un jardin mal entretenu.

Il est rare de lire une telle franchise dans la description de la réelle maternité, et pas celle rose bonbon que nous vendent les magazines. Un tel regard est déculpabilisant, et toutes les mères devraient lire ce livre. Rachel Cusk est une Sainte.

Bien sûr, il y a des bébés qui dorment, qui n’ont pas de coliques, qui laissent leur mère prendre une douche tranquillement (les miens, par exemple, mais je triche, je les laissais dans la salle de bains, à se balancer dans leur transat, endormi par les vapeurs d’eau chaude). Il y a des mères qui allaitent les doigts dans le nez sans douleur, et d’autres qui reprennent le boulot sans problème.

Mais il est fort à parier que l’immense majorité des jeunes parents ne pourront que se reconnaître dans ce couple qui voit soudain le week-end avec le bébé comme « le neuvième cercle de l’enfer », ou dans cette mère qui n’a plus dormi une nuit complète depuis des années …

Un livre-choc, dérangeant pour certains, salvateur pour d’autres, mais à lire, à faire lire d’urgence.

« L’oeuvre d’une vie : devenir mère », Rachel Cusk, éd. de l’Olivier, 2021, 217p.

« Âme brisée », un roman plat et trop lisse

La musique traverse les frontières, c’est le patrimoine de l’humanité.

Tokyo, 1938. Quatre musiciens amateurs, japonais et chinois, se réunissent en secret pour répéter un quatuor à cordes de Schubert. Soudain, des soldats font irruption. Rei, 10 ans, caché dans une armoire, assiste à l’arrestation de son père. Il ne le reverra jamais. Il ne lui restera de lui que son violon, brisé par un militaire. Devenu adulte, Rei n’a de cesse de réparer « l’âme » du précieux violon, et de chercher à savoir ce qui est arrivé à son père.

Voici un roman dont j’avais lu beaucoup de bien et, une fois paru en poche, je me suis laissée tenter. La perspective d’une histoire centrée autour de la musique classique m’attirait énormément. Malheureusement, ce roman ne m’a pas bouleversée et m’a même laissée de marbre … Un demi-flop ? Une petite déception, en tout cas. Comme souvent quand un livre est encensé partout, on se retrouve parfois déçu.

Si l’histoire est belle, les personnages manquent d’épaisseur et ne m’ont pas touchée autant qu’espéré. L’écriture, que j’ai trouvé trop simpliste, ne m’a pas emportée. Akira Mizubayashi est japonais mais écrit en français, ce qui en soi force le respect. Sa prose est simple mais plate, et il m’a manqué un peu de style pour emballer tout ça. L’émotion n’est jamais venue au rendez-vous, malgré le pitch alléchant. Il me semble que cette histoire aurait pu être une simple nouvelle, et cela aurait suffi. Enfin, l’intrigue est convenue et sans surprise, et je me suis vite ennuyée … Le tout forme un roman très lisse, au style plat, aussitôt lu, aussitôt oublié …

Un « Prix des libraires » ? Je suis assez étonnée … à sauver néanmoins : les références musicales, qui donnent envie d’écouter Schubert une fois le livre refermé.

« Âme brisée », Akira Mizubayashi, Gallimard (Folio), 259p., 2019

« Ce qui est arrivé aux Kempinski », Agnès Desarthe

Attendre la suite d’une histoire; la voilà, la véritable captivité.

Quelle merveille que Vinted ! Entre deux repérages de sacs à main, on peut trouver des petits trésors à prix dérisoire, comme ce recueil de nouvelles, paru en 2014, que j’ai acquis pour la modique somme de 2€.

Après avoir a-d-o-r-é « L’éternel fiancé », paru en septembre (et dont je ne vous ai pas parlé parce que je manquais cruellement de temps pour ce blog), j’ai voulu mettre la main sur les autres titres d’Agnès Desarthe, comme à chaque fois que je découvre un auteur, ça ne rate pas, il faut que je lise toute son œuvre. A côté de « La chance de leur vie » et de « Ce coeur changeant », qui patientent dans ma PAL, j’ai donc dévoré ce recueil de 14 nouvelles.

Comment vous parler de ces histoires ? Elles sont tour à tour réalistes, incroyables, fantaisistes, cruelles, profondes, légères mais toujours terriblement percutantes. certaines plus que d’autres, comme « L’homme à la tête de hibou », ou « Dans l’oreille du diable », deux petits chefs-d’oeuvres.

Au point de départ, des personnages qui sont devant une situation loufoque ou avec un petit grain de folie, qui fait dérailler le quotidien. Une conversation avec un faison, un pacte avec le diable, une croisière avec un homme qui raconte sa vie tous les soirs tel Shéhérazade, impossible à résumer, tiens, un recueil de nouvelles. Que dire sinon qu’il est réussi ? Qu’il promène sa petite musique, d’histoire en histoire, et que le lecteur les déguste avec gourmandise ?

Un régal.

« Ce qui est arrivé aux Kempinski », Agnès Desarthe, éd. de l’Olivier, 2014, 190 p.

« Ce qui gronde », Marie Petitcuénot

En juin, j’étais dans ma librairie préférée, et le libraire discutait de la rentrée littéraire prochaine. Je laissais traîner mon oreille, mine de rien, et j’ai entendu des mots qui m’ont accrochée : « maternité », « crise de la quarantaine », « remise en question », « vie de femme et de mère ». Le libraire m’a gentiment noté le titre en question, et j’ai passé l’été à guetter sa sortie.

Et le voici. Un roman (d’autofiction ?) sous forme de lettres qu’une mère adresse à ses trois enfants. Des lettres pour leur dire « ce qui gronde » sous la vie de famille : sa vie de femme. La femme qu’elle était avant eux, et qui s’est retrouvée ensevelie sous la routine, la charge mentale, le quotidien et son « monstre domestique ». Ce monstre ne la laisse jamais en paix, il y a tant à faire et à penser.

 » Je vous écris à tous les trois depuis que vous êtes nés. Je vous écris mes actes de résistance.

Comment ne pas se retrouver dans ce portrait de femme et de mère, un peu dépassée, qui tente de ralentir le temps, qui dit les frustrations, la fatigue, la vie domestique, les interrogations, la peur. Beaucoup de passages m’ont touchée. J’ai corné des pages qui résonnaient dans ma propre vie de mère. Les grossesses, les accouchements, la petite enfance, la fratrie, la vie de couple, de famille, les week-ends qui filent comme une flèche, l’école, les disputes, le besoin de calme et de solitude.

La plume est intime. Les lettres sont sans fard, c’est brut et violent parfois. La narratrice ne cache rien de ses doutes, de sa fatigue, de ses peurs, de sa lassitude parfois.

J’ai corné bien des pages, mais, vers la moitié du livre, cela m’a semblé trop. Trop de tristesse, trop de désenchantement, trop de poids. Pourquoi est-ce si compliqué d’être mère ? Si ambivalent ? Les mères d’autrefois se posaient-elles toutes ces questions ?

J’apaise peu à peu le monstre domestique qui s’agite encore, qui ordonne, qui aboie, qui écume. Il est trop tard, le week-end s’éteint. J’essaie de faire la paix avec le temps. J’essaie de respirer le silence. Mais j’ai le coeur qui se fissure. Un week-end de plus. Un week-end de moins dans votre enfance.

Marie Petitcuénot n’a pas peur de dire ce qui gronde, de dire tout haut la dictature que la société renvoie aux femmes : la maternité comme accomplissement, et tant pis pour tes rêves et ta vie de femme. Son livre est grave, intime mais universel, et son écriture prend aux tripes.

Peut-être qu’il m’a manqué un peu de légèreté, un peu de joie, une petite lueur dans cette vie de mère …

« Ce qui gronde », Marie Petitcuénot, Flammarion, 182 pages, 2021